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Sweatshop

Pour ceux qui prendraient le train de marchandises en marche : attention à vos lacets !

Non, sérieusement, dans la première partie de ce billet je parlais de mes difficultés pour décrire, qualifier, relater, faire état du – voilà que ça me reprend — premier atelier d’écriture que j’ai organisé récemment à Nice. C’est pour cela que j’ai pris un peu plus de temps pour arriver au cœur du sujet : les textes produits et leurs auteurs. Au lieu de donner un petit nom à cet  atelier sur mon bloc, j’ai noté très vite très fort au feutre rouge

Writing is Messy pour me graver cette formule dans le papier, au fond du crâne.

Et c’est armé de cette punchline que je me suis présenté au groupe d’auteurs.

Au fait, si vous vous posez la question, là, pour

Writing is Messy, en gros, je traduirais cette formule par Ecrire, c’est un vrai bordel

process-is-messy

L’un des brouillons bordéliques qui m’ont permis d’arriver jusqu’ici.

Avec vous.

Voilà. Je vous la transmets à mon tour car elle provoque un écho assourdissant avec ma pratique personnelle de l’écrit.

J’avais déjà cela en tête quand j’ai commencé à bosser sur le contenu de l’atelier. J’étais littéralement obsédé par ces trois mots en présentant mes consignes au groupe de six mardi seize. Dans la chaleur de la salle de réunion, les six profils sont aussi variés que ceux croisés dans les vastes couloirs des Satellites. Quatre femmes, deux hommes. Tous avec une expérience personnelle, intime, charnelle de l’écriture. Chacun avec son écriture, qu’elle soit douce ou violente, passionnelle ou apaisée. Certains ont écrit puis cessé d’écrire pour aligner des chiffres avant d’y revenir, en traînant légèrement les pieds puis trépignant de joie à l’idée de partager de belles histoires avec un groupe. Ni tablette ni portable ce soir. La technologie est restée à la porte : je suis ravi.

brouillon atelier

Personnellement, pour écrire pour provoquer le premier jet, je recommande l’écriture manuelle.

Quand on rédige directement, à même le papier, quoi de plus naturel que de parler du toucher, du grain de peau ? Du papier à la peau, il ne s’agit que de quelques lettres de mieux. Et les sons assurent la transition.

Quand on écoute le silence chargé de la salle d’écriture, seuls émergent les micro-accrocs des Bic, des crayons de papier, des stylos-plumes mais déjà on perçoit les premiers pas de nos personnages, ceux qui prennent vie dès la première lecture.

Au cours d’un atelier d’écriture, quand on rature une phrase entière avant de la réécrire complètement parce que le temps presse, que la chute risque d’être bâclée à une ou deux secondes près, quand on livre ce combat mano a mano, l’écriture finit par triompher.

Vous me direz : et toi là, qui rédiges ton billet, tu tapes ou tu grattes ? Là, maintenant ? Je suis sur mon PC, euh, nan sur mon carnet de notes en fait, je prends quelques notes en plus sur un ticket de caisse trop long pour être honnête, je manque de place alors je saute sur mon fidèle carnet de notes élastiqué… Pour faire court, je navigue d’un support à l’autre au gré de mes humeurs, en fonction du besoin. Premier jet ou réécriture. Vérification orthographique ou travail sur le style. Mise en page ou insertion de visuels.

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Dans le cadre de l’atelier d’écriture, rédiger à la main fait partie des règles imposées. Comme si ça manquait à l’appel. Oui, oui, oui, trois fois oui mais quelle liberté au sein de ce corset !

Et je le prouve. La deuxième consigne était simple et funky : créer un personnage de toutes pièces, le mettre en situation dans une courte scène. Après, il faut s’accrocher à son stylo pour trouver les traits saillants, la bonne distance en tant que narrateur, la scène qui mettra en valeur les traits de caractère tout juste ébauchés.

Figurez-vous que dans la touffeur de notre salle de réunion, j’ai vu jaillir des animaux au sourire tendre, des personnages à mi-chemin entre l’héroïne de Disney et coworkeuse accorte, des enfants aussi bruyants qu’à la sortie de l’école un vendredi après-midi, des rock stars tombées du ciel, des végétaux aussi immobiles que puissants… tout ça en un rien de temps, par la grâce des mots. De leurs mots. Vous l’avez compris, j’ai renoncé, jeté l’éponge-la serviette-le tabouret-le protège-dents. Fin du match, pas celui de foot, de boxe cette fois. KO debout face à mes consignes.

Les écritures étaient : parfaitement distanciées, à fleur de peau ou d’écorce, visuelles à faire pâlir les photographes de mode, humoristiques juste ce qu’il faut, aventureuses ou romantiques. Cette profusion, cette abondance, je n’avais eu qu’à la titiller pour qu’elle se déverse dans la pièce en ébullition, m’arrose au passage, me claque un sourire. Je n’avais pas trouvé un traître mot pour parler de l’atelier, j’avais en revanche permis d’en faire accoucher un certain nombre. Et pas les plus moches. Je pouvais fermer les fenêtres, tirer les rideaux sur ce premier essai, me coucher mon sourire béat toujours là… euh nan, pas encore, pas tout de suite. J’ai quand même déniché un titre, celui de ce billet :

sweatshop. Parce que ça me rappelait le creative writing workshop (atelier d’écriture) des Stephen King, des Jeffrey Eugenides et sweat parce que la chaleur nous avait bien esquintés dans cette magnifique salle d’écriture.

PS un sweatshop est aussi un atelier clandestin où des ouvriers travaillent dans des conditions déplorables, ce qui n’est pas du tout notre cas. Evidemment.

Cette publication a un commentaire

  1. Norbert Bel Ange

    à te lire à voix haute, ça sonne et c’est beau!
    Norbert

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